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1 - La disparition du Grand Conseil et la création de la Fédération
Sous l’influence parisienne, l’Association centrale se développe alors que dans le même temps, le Grand Conseil s’étiole, avec la disparition de Quivogne en 1895.
En effet, de moins en moins d’associations sont représentées au Grand Conseil et la présidence est confiée au directeur de l’école d’Alfort, Trasbot, ce qui équivaut à une mise sous tutelle parisienne. Ses réunions sont de moins en moins suivies.
Il faut dire que le Grand Conseil menait une action jugée trop ponctuelle et dispersée. Il manquait de moyens financiers, il était source de tensions et de concurrence et sa structure même était devenue obsolète.
En plus, depuis quelques années, s’attachant à la défense des intérêts corporatifs, des syndicats vétérinaires étaient venus s’ajouter aux associations existantes. Il fallait leur faire une juste place dans les champs institutionnels et il fallait donc réformer le Grand Conseil.
Le Grand Conseil est ainsi remplacé en 1902 par la Fédération des associations et syndicats vétérinaires de France.
Le Grand Conseil demanda pourtant le droit de pouvoir bénéficier des avantages d’un syndicat mais la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur les associations professionnelles était inapplicable aux professions libérales et les vétérinaires n’avaient pas le droit de se constituer en syndicat.
Le nouvel organisme doit donc changer de raison sociale en 1902 et devient donc la Fédération des sociétés et des associations vétérinaires de France. Il correspond à une réelle attente professionnelle et connaît rapidement le succès.
La Fédération donne une image plus unitaire que le Grand Conseil, provinciaux et parisiens s’y retrouvent, les dissensions s’apaisent.
En 1913, 69 associations regroupant 2 500 vétérinaires ont adhéré, ainsi que 60 membres du corps enseignant et 522 vétérinaires militaires. « C’est donc au nom de plus de 3 000 vétérinaires que parlent les membres du bureau ».
Juste avant la grande guerre, les vétérinaires ont donc réussi à se doter d’une structure institutionnelle, forte et dynamique, représentative de la profession, et qualifiée pour parler en son nom : la Fédération des sociétés et des associations vétérinaires de France. Le milieu professionnel vétérinaire a changé, il s’est organisé pour répondre aux menaces et pour se protéger.
Reste donc une mission de taille pour l’ACV, trouver désormais sa place à côté d’une institution qui rencontre un vif succès en répondant aux attentes des confrères.
2 - Différentes orientations possibles pour l’ACV
Ces 20 premières années de l’association représentent la période décisive où l’ACV va devoir choisir ce qu’elle veut devenir et l’orientation qu’elle veut donner à son action. Elle devra se positionner dans la profession, d’abord vis-à-vis du Grand Conseil puis vis-à-vis de la Fédération.
Les premiers statuts constitutifs du 27 février 1889 limitent son rôle à une caisse de bienfaisance, comme il est écrit à l’article 2 : « cette Association a pour but unique de secourir les sociétaires malheureux, leurs veuves, leurs enfants et leurs ascendants ». Mais il a été mentionné la possibilité de créer une caisse de retraite et les fondateurs avaient affiché la volonté d’être une instance nationale, pesant sur la profession. A l’ACV, c’est donc l’heure des choix et des décisions. Il est décidé de commencer par augmenter l’audience.
2.1 Une des premières préoccupations : augmenter l’audience
Le premier président de l’ACV est Camille Leblanc. Diplômé d’Alfort en 1848, excellent praticien équin et fils d’Urbain Leblanc, il poursuit la plupart des combats de son père. Il s’est impliqué dans la création de cette association voulue par son père et en prend la présidence jusqu’en 1903.
Puis se succèdent à la présidence de grands noms parisiens : Edmond Nocard, professeur à Alfort, jusqu’au 2 août 1903, puis Saint-Yves Ménard, membre de l’Académie de Médecine, Directeur de l’Institut de Vaccine animale jusqu’en 1909. Hippolyte Rossignol est secrétaire général de 1889 à 1914.
Pendant la période 1904-1909, les principales préoccupations du conseil d’administration et de l’assemblée générale sont de gérer l’imbroglio du legs Louis Auberger, le premier de grande importance, et d’amener de nouveaux adhérents ainsi que de nouveaux dons pour augmenter le fonds de réserve.
D’ailleurs, l’audience de l’association générale s’affirme : 264 adhérents en 1894, plus de 1000 en 1903 avec un capital qui s’élevait à près de 100 000 francs. Cette recherche tous azimuts de nouveaux membres se fait par l’envoi de brochures et par l’appel aux autres associations. Toutefois elle n’exclut pas la prudence et il est craint des adhésions in extremis (de moribonds est-il même écrit...). Ceci fait admettre au conseil en 1904 la proposition suivante du président et du secrétaire général : « on pourrait stipuler que tout membre adhérent à l’association ne pourra avoir droit aux secours pour lui et les siens qu’un an après son adhésion ». Cette proposition est retenue au conseil du 8 juin 1904, et en plus, le parrainage doit servir de protection.
Pour Hippolyte Rossignol à l’assemblée générale du 26 mars 1905, au-delà de la bienfaisance, le plus clair résultat de l’ACV, « sera de constituer, avec tous les éléments vétérinaires, un groupe compact et uni auquel on finira certainement par accorder les légitimes satisfactions auxquelles il a tant de droits».
Cependant, en 1909, Hippolyte Rossignol s’inquiète en constatant la baisse pour la première fois du nombre d’adhésions nouvelles : 34 au lieu de 112 l’année précédente. Porcher, à Lyon en 1906, avait déjà exprimé cette crainte et encourageait les vétérinaires à rejoindre l’ACV «si l’avenir au contraire a quelques points noirs, raison de plus pour réserver annuellement dix francs que vous ou les vôtres, trouvera, pour ainsi dire, au centuple s’il en est un jour malheureusement besoin ».
2.2 Une mutuelle de retraite, une maison de retraite : deux orientations possibles ?
Les premières voix dissonantes sur le rôle futur de l’ACV se font entendre en 1905. Ainsi Pacques invoque que la misère est souvent pudique et qu’il faudrait trouver un système permettant d’apporter un secours à chaque sociétaire décédé, qui serait accepté, refusé ou continué. Et après chaque décès, il faudrait reconstituer la caisse par le versement d’une nouvelle cotisation.
Hippolyte Rossignol juge que cette proposition n’est pour l’instant pas possible. Et rendant compte du conseil du 11 octobre 1905, il écrit que certains jugent déjà la cotisation de 10 francs trop élevée (équivalente à 34 € selon le tableau de conversion en annexe 2, qui prend en compte le taux de change et l’érosion monétaire). Cependant, il ne ferme pas la porte et écrit « que plus tard lorsque les idées de mutualité seront profondément ancrées dans tous les esprits une mutuelle vétérinaire française de retraite pourra être fondée sous les auspices de notre association centrale mais le moment n’est pas encore venu où une semblable entreprise peut être tentée avec succès».
Rossignol n’exclut donc pas cette première piste d’une mutuelle de retraite, mais il estime que le temps n’est pas encore venu. Cette idée revient d’ailleurs sur le devant de la scène deux ans plus tard avec l’affaire Pecus. En effet, au conseil d’administration du 21 mars 1907, il est fait état d’une lettre de Pecus, vétérinaire en 1er au 14e dragon de Saumur, évoquant la création d’une « association amicale des vétérinaires militaires » visant à acquérir des droits certains pour les veuves. Afin d’éviter les risques de scission avec l’ACV, ce Pecus propose la création d’une association mutuelle (société de secours mutuels) pour éviter que l’aide n’aille qu’aux seuls sociétaires déshérités.
Saint-Yves Ménard et Hippolyte Rossignol expriment leur crainte que cette initiative n’entraîne des défections pour l’ACV, car elle s’adresserait aussi aux vétérinaires de réserve et de la territoriale. Ainsi beaucoup de membres pourraient devenir éligibles aux aides et il faudrait inexorablement augmenter la cotisation, cotisation que les membres s’attachent depuis la création à garder raisonnable. Ainsi, il est écrit dans le procès verbal de l’assemblée générale du 26 mars 1907: « La bourse du vétérinaire civil n’est pas inépuisable, tant s’en faut. Sollicité de toute part ce vétérinaire se trouve parfois obligé de faire partie de nombreuses sociétés locales ou professionnelles et, fatalement, si le fardeau devient trop lourd pour son modeste budget il se verra obligé de se retirer de quelques-unes de ces sociétés».
En mai 1907, une nouvelle lettre, ouverte cette fois, de Pecus répète la demande de mutualisation en argumentant la nécessité de secourir les détresses ignorées plutôt que de favoriser l’augmentation du fonds de réserve.
Au conseil d’administration de juillet 1907, Hippolyte Rossignol fait un plaidoyer agacé contre cette idée de mutuelle. Il renvoie à la procédure de modifications des statuts suivant les voies réglementaires (demande de 25 membres, etc.) et il obtient le statu quo rappelant en note que les statuts primitifs indiquaient qu’« une caisse de retraite des vétérinaires de France sera constituée aussitôt que les circonstances le permettront Cette caisse sera alimentée par les dons et legs faits à l’association et par le produit des droits d’entrée ». Rossignol estime là encore, que le temps n’est pas encore venu.
Entre 1910 et 1917, l’ACV est présidée par Edmond Lavalard, 71 ans, qui a succédé à Saint- Yves- Ménard, avec pour secrétaire général toujours Hippolyte Rossignol, 73 ans, puis Henri Vallée en 1914. Le trésorier est Paul Dechambre.
C’est alors que se pose de plus en plus la question de l’orientation: faut-il rester une association ou devenir une mutuelle ?
En 1912, en tête du bulletin de l’ACV, figure un appel de Léon Mallet, secrétaire général de la fédération des associations vétérinaires, à la participation à la première assemblée générale de la caisse de prévoyance des vétérinaires français qui se tiendra le 27 janvier 1912 pour en adopter les statuts.
Le 22 février 1913, il est fait état de la demande de la société vétérinaire de l’Allier (Bitard) de la constitution d’une mutuelle vétérinaire par la fédération, de la création par l’ACV d’une maison de retraite.
Lavalard et Rossignol s’y opposent, car ils estiment que la forme mutuelle n’est pas applicable à l’ACV et qu’elle est trop risquée. En particulier, les dons seraient détournés de leur but de bienfaisance stricte pour être distribués à tous.
En ce qui concerne la maison de retraite, ils estiment que l’association n’a pas les moyens nécessaires et Hippolyte Rossignol conclut : «Que la fédération prenne l’initiative de cette mutuelle vétérinaire, comme on le lui demande, que les promoteurs de cette nouvelle tontine agissent directement auprès de confrères, et les décident à verser annuellement 60, 80, 100 francs et plus pour s’assurer un capital comme retraite, nous n’y contredirons pas, nous qui avons tant de peine à obtenir, de ceux mêmes qui courent le plus de risques d’avoir besoin d’être secourus, les dix modestes francs de notre cotisation».
L’idée de la mutuelle de retraite est donc définitivement écartée par Hippolyte Rossignol. En ce qui concerne la possibilité d’une maison de retraite sous tutelle de l’ACV, l’idée reviendra dans les années suivantes de façon récurrente.
2.3 Capitaliser ou plus redistribuer ?
Des interrogations existent aussi sur le but affirmé de la capitalisation, faisant une priorité de l’augmentation du fonds de réserve au détriment d’un peu de largesse dans l’attribution des secours. C’est ce que Pecus a reproché.
Mais en bon gestionnaire, il faut savoir assurer l’avenir d’autant plus que la loi 1901 impose aux associations reconnues d’utilité publique de placer, sans risque, les legs et de ne redistribuer que les produits financiers issus de ces legs pour plus de sécurité. L’avenir démontrera que les bonnes décisions ont été prises à l’époque. En effet, la bonne gestion du fond de réserve a garanti la pérennité financière de l’ACV.
2.4 Le choix de rester une œuvre de bienfaisance
A cette époque, apparaissent également d’autres types de demande de la part des membres de l’ACV :
Cette demande sera d’ailleurs suivie de succès puisqu’une page d’annonces de clientèles à vendre, figurera plus tard dans chaque bulletin de l’ACV. Juste avant la grande guerre, le rôle de l’ACV est donc délimité. L’idée de la mutuelle de retraite a été définitivement écartée et l’ACV fait donc le choix définitif de rester une association de bienfaisance. Il est à regretter que, dans cette période 1900-1914, l’ACV a été davantage spectatrice qu’actrice. Le rôle « central » souhaité par ses créateurs parisiens de représentation de la profession n’a pas pu se développer lui laissant par contre le soin de réaliser son but unique initial celui figurant dans les statuts constitutifs de l’association générale des vétérinaires de France en son article 2 : « Cette association a pour but unique : de secourir les sociétaires malheureux leurs veuves leurs enfants et leurs ascendants ».